Une chanson: "Egyptian Shumba". Si Lou Christie doit avoir sa place au Panthéon de la musique du XXème siècle, c'est pour cette chanson invraisemblable, affolante, frénétique.
Mais reprenons depuis le début.
Lou Christie est un chauteur américain d'origine italienne qui a eu son heure de gloire dans les années 60 et dont le falsetto s'inspire de celui de Frank Valli des Four Seasons.
Je l'ai découvert il y a quelques années grace à la compilation Egyptian Shumba - The Singles and Rare Recordings 1962-1964 qui regroupe ses premiers singles ainsi que des chansons écrites pour le groupe féminin qui l'accompagnait à l'époque, The Tammys.
Les premiers singles exploitent classiquement le falsetto de Christie et peuvent d'ailleurs rapidement irriter (ce fut d'ailleurs ma première réaction à sa musique) mais rapidement j'ai pris conscience de la singularité de son auteur. Auteur puisqu'il fut l'un rares chanteurs-compositeurs de son époque. Singularité puisque certains de ses morceaux datant de la première moitié des années 60 bénéficient d'une production et d'une écriture d'une incroyable modernité flirtant avec le génie d'un Brian Wilson et d'un Spector comme sur le sublime "Have I Sinned". Sur "Make Summer Last Forever", il approche la grandeur vocale d'un Roy Orbison ou du Morrissey d'"I Know It's Over".
Si on ajoute à cela les contributions complètement azymuthées des Tammys capables d'une vraie frénésie punk, le mélange est vraiment détonnant comme sur le survolté "Guitars and Bongos".
Morceau en écoute ici: http://www.myspace.com/cathygretchenandlinda
C'est d'ailleurs à la même période qu'il a enregistré son chef d'oeuvre pour les Tammys, cet Egyptian Shumba, devenu depuis un mot de passe entre initiés. Comment sortir indemne de l'écoute de ce véritable OVNI qui met la patée à 95% des groupes punks. Comment l'Amérique de 63 a-t-elle pu laisser passer un tel morceau? Il est sorti le mois de la mort de Kennedy, ceci explique peut-être cela.
Un clavier dissonant aux sonorités arabisantes, les piaillements hystériques des Tammys, un pont furibard comme du Spector sous amphétamines, tout contribue à un morceau de légende.
Morceau en écoute ici: http://www.myspace.com/louchristieandthetammys
Finalement, Lou Christie connaîtra ses plus grands succès en rentrant un peu dans le rang chez MGM en 65 et 66 avec, notamment, sa chanson la plus connue outre-atlantique, "Lightning Strikes". Cette période malgré tout intéressante est retracée dans la compilation Original Sinner mais les recherches sonores et les aspérités des débuts ont alors un peu disparu.
Autre période intéressante, ses années chez Buddah (68-72) qui sont retracées dans une compilation malheureusement difficile à trouver, Glory River avec un de ses derniers grands succès, "I'm Gonna Make You Mine" mais ce qui est le plus notable, c'est la sortie en 71 du concept album (maudit puisque ce sera un four), "Paint America Love", réédité l'an dernier chez Rev-Ola. Même si la comparaison est galvaudée (on l'a lue tellement souvent), il est souvent décrit comme le "Smile" de Lou Christie. C'est assez simplificateur puisque je le rapprocherais finalement davantage de la vague des songwriters introspectif apparus au début des années 70.
A partir de cette période, l'étoile de Lou Christie commencera à décliner même si la bande originale de Rain Man l'en sortira un peu en y incorporant un morceau country(anecdotique) du milieu des années 70, "Beyond The Blue Horizon".
Bruce Springsteen et Madonna ont revendiqué son influence.